Pourtant

Des marques, se marquer, faire des marques. Il y a du sang dans nos larmes et nul part où aller. On grave sur nos peaux l’encre noire qui ne suffira pas.L’espace laissé pour demain. Du vide, la peau, vous êtes là. Il y a des insectes dans l’air, ils brillent dans la lumière. Il y a des matins, encore. Malgré la nuit, je suspends le jour qui se lève,

avec quelle énergie ?

Je ne penserai qu’à la nuit, à la sueur, au souffle court. Mais le matin arrive, pourtant. Le matin arrive et moi je pensais que ta mort empêcherait ça. Sous quel mépris la nuit abat l’arbre du jour qui ne se suspend pas ?

La dernière cigarette

La dernière cigarette

allongé

soutenu par les gars, les fils,

le sang, la bave, la sueur

aérer la pièce

une infirmière éternue dans un couloir trop long, trop étroit

on se cogne,

la tristesse, la peur, se heurtent

un chien dans un fauteuil roulant

c’est une chienne

pas de chirurgien, pas de fenêtre, pas de traitement

un lit qui roule

mesurer la distance entre le lit et la table

entre la table et le lit

savoir si il est possible sur un lit d’aller fumer une cigarette dehors

tandis que l’ascenseur n’arrive pas

A l’ombre du chêne –

Le chêne a cinq branches, quatre branches,

tour perdue de l’horizon.

 

Est ce que la peur a pris ton cœur,

ta main froide,

ta maigre jambe ?

Les a-t-elle pris ?

Est ce que j’ai pleuré ?

Dans ton aisselle tiède,

sur ta main bleuie ?

 

La chienne au bout de la laisse,

sur nos pieds,

en laisse de nous quatre

la soleil passe le vitrail

il y a ton nom sur une plaque

nous n’aurions du faire que rire.

Nous avons retiré la croix sur le bois

tes yeux fixés dessus

de quelle couleur sont tes yeux ?

Nous avons retiré la croix.

 

Quatre branches, cinq branches

une oie passe au milieu, ton oie ?

Je ne peux imaginer tes deux derniers jours

sais tu que nous étions là ?

 

Ta peau jaune, ta peau blanche

un teint qui ne survit pas

tu ne survis pas

tu ne nous souriais plus ce soir

on aurait pu comprendre

tu ne nous souriais plus

 

Quand la brume tombe

et la douleur lascive

que nous reste-t-il?

J’ai dit le 21 Octobre, «  un père ça ne tombe pas malade »

j’aurai voulu tes bras une dernière fois

une autre peau, une autre fois

 

S’il ne nous restait que le chêne

je le couperai

et les oies à la braise

je soufflerai sur leurs cendres

elles, chaudes, puis tièdes, puis rien.

 

Mais il y a la brume qui tombe,

les branches qui pleurent le lière

évincé

si jamais

je t’aurai dit…

 

une main, le haut du chêne

Cinq branches, quatre branches

membre fantôme

qui fait geindre d’une douleur franche

si il le faut

tu seras ça dans le temps inconnu

de la lascive qui ne s’assouvit pas.

Le 14 et le 15 – ô cigognes (suite)

Il est 17h02, 2ème vendredi du mois, demain tout le monde dansera. Le jour d’avant, nous sommes le jour d’avant, l’argent flotte dans la pantalon trop grand, trop court, mal coupé. C’est celui de mon cousin je crois, Primo. Sa mère me l’a ramené la dernière fois qu’elle est venue ici. La poche droite usée est douce, douce de ces mains à lui qui ont plongé mille fois sur le tissu collé le long de sa cuisse. Primo est plus gros que moi, il a une cuisse molle. Il est à la maison là-bas sans travail, sans joie, à part celle d’être du bon côté de la montagne. Moi, je vois, je sens la journée de demain, je la prolonge aujourd’hui, je fais que le 15 du mois résonne sur deux jours. Ma main dans la poche du pantalon de Primo semble douce. Il est 17h14, j’ai quitté la mine à vélo, le vent m’apparait réel. Il est le souffle du poêle en entrant dans le baraquement, l’haleine de ma fille de 6 ans qui pourra se coucher tard, la passage à ma droite de Bénita, l’eau de Cologne. 17H28, je pose un pied sur la terre étrangère, je croise Julius, il sourit. Il attend de voir Isabella demain, au bal. Sinon leurs parents ne les autorisent pas à se…Nous sommes le 15 du mois, la moitié du salaire plongé dans le petit pot sur l’étagère, faite du bois de la forêt de Petite Rosselle, il y restera 24h, l’argent. Le pot est en fausse porcelaine, 3 roses en relief annoncent ce qu’il contient : du vin, des frites, de la polenta grillée, des sodas, des bonbons, la bal tout entier résonne dans les billets pris dans le pot. 17H59, je suis heureux. Ma femme rentre du lavoir, la petite dort un peu, j’entends mon frère rire dans le baraquement d’à côté. Ces 2 journées me font tenir un mois. Raconter la joie au téléphone alpin, envoyer la monnaie là-bas, sourire au capo allemand qui me fait descendre vers la mort tous les matins. 2 journées par mois, plutôt qu’une. Je créée l’écho, vitesse de la lumière dédoublée. On tient, je tiens, vous tenez. 18H13, j’écris à ma mère. Je n’écris que les jours où je suis heureux, le 14 et le 15.

ô cigognes – La prime

Voyez le noir absolu, qui aveugle, qui brouille les couleurs, celles que tu n’as jamais vues. Le noir comme nouvelle aura. Scintillant, les yeux fermés voient davantage que les yeux ouverts. Un papillon, un cercle qui se transforme, une panoplie. L’étoile devient transparente, suinte. Un renard bleu surgit, il est d’un bleu impeccable. Puis le souffle, le noir, la boite se ferme, close, l’esprit, les couleurs, se ferment. Un égout, dépouille rousse qui flotte. Les yeux s’ouvrent, voyez les aller/retour, beaux et noyés, le noir sur la bouche, le même bus, la même baraque, le même médecin. Seules les langues, changent, s’agitent, jouent aux inconnus. Le chef ne parle qu’une langue, les autres en parlent au moins 4 différentes. La langue du chef devient la langue commune.

Voyez le chef, le chef qui pointe le doigt, qui pointe les faces noires, le chef qui crie, qui rit, qui rend les promotions. Stylo argenté, reflet du crâne pelé de la face noire. La prime qui tombe. Le second s’est lavé le visage, il a la peau blanche, les pommettes rougies par le froid de l’Est. Il est tombé malade il y a deux mois, les poumons en feu, feu des poudres, feu du fond, feu. Il sait qu’il n’aura pas la prime. Il pose une main sur la poignée de la porte, il a oublié de laver cette main. Voyez la qui pose ses empreintes ici, devant le bureau du chef. Voyez la porte qui s’ouvre sur ses yeux qui prient encore la sainteté animale du cul blotti sur son dossier. Dans le grand livre, écrit du noir sur du blanc, il manque 2 jours. Il n’aura pas sa prime.

D’où viens-tu? Des suites autour de Nerelisin

D’où viens tu ? Rassuré par deux mots ou noyé sous le regard d’un visage étranger, un visage qui tait son foyer, un visage qui trace une ligne, les mots qui ne viennent pas, ou mal. Mal placé, mal tracé, et toi, d’où viens tu? Dire ce que l’on veut, inventer, solder son histoire à un seul désir, être l’étranger que l’on voudra pour cette fois. Démographie lointaine, des lignes, des lignes, qui impriment notre visage, qui parlent, qui racontent, strates du temps pris à cet endroit dans la géographie. Tendre une carte du monde sur un bout de sable qui n’y verra que du feu. Lecteurs étranges, et voyageurs bracelets aux poings, ce ne seraient que de bougres voyages, et on les appelleraient déplacements. Alors d’où viens tu? A partir de quand, ce serait le début? Puis le secret, les mensonges, les massacres, la langue qui fourchera de toute façon. A certains endroits, les noms mêmes de nos villages ont été changés, traduction vainqueure de nos mémoires soudées à la terre. Que pourrais-je te répondre alors ? Nos noms sont muets, écoute nos chansons, combats, luttes, amours et mascarades, ils nous restent ces mots là, des Noms maintenant. Histoire à l’envers, partir d’où l’on est et voir où l’on s’arrête dans le temps à rebours.

Venir ou aller, et aller et venir, et… Venir je ne comprends pas, comment un verbe pourrait dire tant de choses, tant d’images, c’est naïf ce que je dis, j’imagine que vous ne me voyez pas venir, comme le train du bout du quai, comme le mec prêt à éjaculer, comme une affirmation à qui est de la partie? Je viens! D’où viens-tu? Des couilles de ton père au bistro d’à côté, comment deviner à l’instant où le point se pose sur la question, quel sens a t elle? Que veux tu savoir, ou plutôt pourquoi veux tu savoir quelque chose d’aussi intime sur moi, car peu importe à partir de quel moment je vais te répondre, tu auras là une information sur ma vie, mon agenda, mes occupations, mes visites, tu en sauras davantage que l’ami qui ne me l’a jamais demandé, que ma mère qui n’a aucune idée de mon quotidien. Asseyons nous et discutons alors si tu veux savoir d’où je viens? Car il est peu de questions aussi fortement intrusive qu’on ne peut la poser qu’en sachant la provocation vers laquelle on va tirer le prochain dialogue. Faire comme si c’était banal devient alors une agression pour l’autre. ON sous-entend qu’il doit nous répondre, qu’il doit prouver que sa réponse nous va. Il doit dire qu’il vient de quelque part qui nous plait en somme. Alors évidemment, nous pouvons mentir.

L’oasis

Elle flanche. Il, elle n’a pas. Il y a …comment bousculer, tenir le temps, le pas… il y a un halo sur le sol, la chaleur est tombée, oasis dépeint là où déjà nos regards ne l’espère plus, en fait ne le cherche pas. On sait intimement, dans une prolongation de nos mémoires, qu’il n’existe pas ou qu’il n’est définitivement que ça, oasis peint par l’asphalte brulante. Peut être n’est ce plus qu’un repère, un gabarit marqué là qui n’existe que dans une tête mais pourtant sert de louche à compter. Flancher elle se dit, sur une planche à clou aiguisé et jauni par les heures malheureuses, elles aussi, elle tente d’atteindre le… Pas de mot, ou syllabe, le… ça serait tenter quoi, d’aller vers quelque chose qui n’existe pas. On dit Déjà Vu, en anglais aussi, pour expliquer une impression de vivre un instant qu’aurait déjà vécu, en réalité ou en rêve, on ne sait plus, on est perdu, un instant, parfois on titube même un peu, le corps fléchi, mais non elle ne flanche pas. Tenter d’atteindre, en hoquetant, ça fait pitié, on pourrait dire ça, tenter d’atteindre, sale phrase, mauvais proposition, c’est un cil à l’envers, une veine qui loue ton sang vers ton pied, c’est… Le moment est passé, la seconde qui… Elle a ramené doucement, le bas de sa cuisse vers l’arrière, son genou s’est tendu, c’était très lent, un automate mal remonté. Des glaces en teint et puis pas de bouses, ni de vaches, c’est à dire ni début, ni fin, alors vers où… Je veux dire, se tourner vers… L’inconnu ? Non l’inconnu c’est reconnaître quelque chose et la nommer ainsi, mais si tu reconnais l’oasis, le rien, le sol qui plane sur le blanc de ton globe oculaire, en un clignement, c’est une lune qui s’éteint dans un verre d’eau. Je…Enfin elle flanche, à même le sol elle est juchée sur un grain de mon sable à moi, inépuisé sommeil des lendemains de plombs, ils sont bien là, on voit un écart de cartouche pris au gras du mur. La chaleur sous mon poids, mon eau, mon corps un peu proche du sien, qui voit autre chose, le halo qui feint, qui joue, des paupières je ne…

En voyage, il aurait dit

En voyage il aurait dit, le grand père au chapeau vissé, en voyage. Les semelles rongées à même le pied, la montagne farouche et belle. Ils voyaient la cour, le tri, le travail. D’en haut, il le voyait. Une fois en haut. La semelle finie, c’est la plante d’un pied de rital qui use la descente.

En voyage, le train payé, ramasseur de sucre, il est blanc le bonhomme, c’est de la betterave. Terre foncée et lardons, ce sera aux Corons, au bal, à la mine, au béton. En voyage.Sur la bande magnétique on rit, on chante, en patois.  Il manque le vin et les gâteaux, ils seront du prochain voyage. Ça enregistre là ? 

 Madame vous pouvez me répéter votre nom s’il vous plait, je n’ai pas bien compris… Il dit quoi lui ?…Il aurait dit ça et au journal tout allez bien. On se faisait tuer, insulter, démonter, humilier et finalement il dira ça s’est toujours bien passé, à part quelques belliqueux là… des ritals on en avait besoin alors…ce n’était que des hommes, seuls, tu vois, tu ne sais pas ce qu’ils pouvaient te faire…ah ils travaillent c’est sûr, mais ils buvaient aussi, faut voir…

Des courses, des talus à se planquer, les rues où tu sais qui il ne faut pas croiser et la famille ailleurs, les mots que tu as du mal à retenir, ceux que tu inventes. Nous, on était parti en voyage. Des voyageurs écorchés, la lame à un beau sourire bleu, blanc, rouge et elle taille, le long de ton os, pour être sûr qu’il ne reste plus rien de toi.

Que faire de tes os ensuite, ceux qu’il te reste, pour aller plus loin dans ce voyage que tu voulais à peine faire. Si il y avait un horizon pour les exilés, de quelle couleur serait-il ? Leurs mains étaient noires, de toute la raclure des déchets, du goudron, de chardon, comme si le plus noir possible n’était réservé qu’à eux seuls. Leurs joues rouges, du soleil ou du froid qui perce, qui tire, la peau, l’écorce des visages. La mère est arrivée ce matin, avec deux des filles, ce soir on mangera trois œufs peut être. Mais la tante d’à côté a râlé, il en faut un pour nous aussi.

Tournée du sud « Et nous jetterons la mer »

Merci à tous pour l’accueil et l’organisation de cette belle tournée, nous étions :

Le 29 Mars aux Rencontres du film de lutte et résistance de Saint Jean du Gard

Le 30 Mars aux Caves à Lulu à Forcalquier

Le 1 er Avril à la Ressourcerie Jadis Igor à Marseille

Le 2 Avril à la librairie Manifesten à Marseille

Plein de monde, de beaux moments de discussion et beaucoup de soleil!!!!